Repose en paix, souris

4h du matin, bruit... un objet est tombé quelque part dans ma chambre.
Une paupière lourde s'entrouvre puis se referme : probablement un objet quelconque laissé en équilibre précaire...
Re-bruit, cette fois provenant d'une des tables de nuit.
Doute. Quel était ce frottement bizarre ? Il devient urgent de faire la lumière sur cette histoire... Quelques secondes sont nécessaires pour que mes yeux embués par le sommeil s'accoutument.
Rien, la table de nuit semble tranquille. Pas convaincu quand même, j'attends sans bouger un cil, scrutant le fond du petit compartiment de la table de nuit.
Un mouvement ! Une oreille, un museau, une queue ! Nous avons là une invitée surprise et pas du genre appréciée !

D'abord d'où vient-elle cette bestiole ? C'est vrai quoi, il n'y avait pas de trou de souris dans les plaintes aux dernières nouvelles... Et merde ! Le vasistas de la salle de bain qui donne sur la petite cour avec un mur bien rugueux pour que les petits rongeurs puissent y grimper... C'est sûrement ça !

Ok, elle est au fond du compartiment, la seule ouverture me fait face et elle ne bouge plus car elle se sait repérée. Il va falloir jouer serré : si je la quitte du regard, elle risque de se tailler et pour la coincer dans un autre recoin j'y passe la nuit.

Réfléchir en la maintenant sous pression : elle bouge : je bouge, elle s'immobilise : je m'immobilise. Ca va, elle n'osera pas quitter le fond de la table de nuit : en dehors il y a ce qui lui parait être un prédateur trop gros pour entrer dans sa cachette mais qui l'a repéré.

Résultat de mes réflexions : le seul moyen de s'en débarasser sans lui courir après :

  1. boucher la table de nuit.
  2. chercher un sac.
  3. retirer le bouchon en plaçant le sac à la place.
  4. retourner et secouer la table de nuit (qui doit peser dans les 15-20kgs avec sa plaque de marbre, j'adore faire de la gym à 4h du matin) pour faire tomber la souris dans le sac.

Phase 1 : bouchonnage.
Le seul bouchon à ma disposition me permettant de garder la souris dans mon champ de vision jusqu'à ce qu'elle soit coincée est mon polochon.
OK, va pour le polochon, y'a intérêt à ce qu'elle ne s'excite pas dessus cette peste.
Polochon en place, souris coincée, phase 1 terminée : je suis autonome.

Phase 2 : recherche du sac.

Fait suer : j'ai des tonnes de sacs plastiques et pas un à la bonne taille !
Pause, pas de précipitation, une mauvaise manip et c'est la nuit blanche. Mieux vaut passer 5 minutes à réfléchir que la moitié de la nuit à courir...
Ok, finalement je vais prendre le sac poubelle et le scotcher autour de l'ouverture.

Phase 3 : mise en place du sac.
Scotchage du sac poubelle d'un côté de l'ouverture, glissement du sac sous le polochon, scotchage de l'autre côté de l'ouverture, retrait du polochon. Pas mal, l'ouverture est scellée sans perte de souris. Si elle s'en sort, je l'appelle Houdinette !

Phase 4 : transvasement de rongeur.
Secouage de table de nuit, chute de souris ! Un sourire victorieux se dessine sur mes lèvres... qui laisse presque instantanément place à un masque mélant la surprise, la lassitude et le découragement : cette peste est capable de grimper à l'intérieur du sac poubelle pour remonter dans la table de nuit !
J'essaye de me la jouer psychologue : rendons le sac plus hospitalier que la table de nuit...
Je tape comme un malade sur l'arrière de la table de nuit pour la faire fuire dans le sac. Peine perdue : décidément le sac ne lui plait pas. Ok, deuxième essai de secouage de table. Yyyyeeeeessss ! Elle est dans le sac et j'ai eu le temps de le resserer pour qu'elle ne puisse pas remonter.

Bon, je suis désormais l'heureux (et fatigué) possesseur d'une souris dans un sac poubelle. J'en fais quoi ? Je :

  1. la balance aux ordures dans son sac.
  2. lui brise les cervicales pour en terminer tout de suite.
  3. la garde et l'engraisse pour Lupin (le chat de mes parents).
  4. la garde pour faire une blague douteuse.
  5. la relache pour qu'elle aille faire suer un autre locataire (dans ses moments là une pointe de sadisme primaire peut en effet apparaître).
Après 2, 3 minutes de délibérations, le jury rend son verdict : mort par étouffement lent dans son sac déposé au milieu des ordures. Je retourne me coucher (après avoir fermé le vasistas...) avec un vague sentiment de culpabilité et quelques réflexions sur la valeur d'une vie de souris qui durent peut-être 5 minutes avant que Morphée ne retrouve ma compagnie.